lundi 19 octobre 2015

Quand mon corps sur ton corps, lourd comme un Vélib...

Je viens de fêter ma première année d'abonnement Vélib et de pédalage quotidien pour aller bosser. Je ne vous cache pas que c'est une immense fierté pour moi, dont l'activité physique se limitait jusqu'alors à porter régulièrement des packs de binouzes du Carrouf City jusqu'à chez moi. En un an je suis devenue une cycliste urbaine convaincue.  Et même, pour être tout à fait honnête, je dirais que je suis devenue ce genre d'individu casse-burnes qui se sent supérieur au prétexte qu'il a réussi à se libérer de l'enfer du métro, et qui prêche ad nauseam la bonne parole vélocipède à quiconque aurait le malheur d'évoquer la chiantitude des transports publics à portée de mes oreilles.

L'autosatisfaction suintait par tous les pores de ma peau alors que bon, quand même, la toute première fois que j'ai enfourché un Vélib, j'ai déglingué direct le rétro d'une bagnole, et qu'une semaine après je me mangeais une amende pour avoir grillé un feu rouge. Il doit exister 3 personnes à Paris qui se sont fait verbaliser à vélo, et j'en suis.

Dans les premiers mois, j'étais tellement fière de moi que j'essayais d'informer subtilement tous mes amis de mon nouveau mode de déplacement : "Désolée je suis en retard je trouvais pas de borne pour raccrocher mon Vélib!", "Excuse, je suis toute décoiffée, j'avais le vent de face à vélo!","Ho dis-donc sacrée montée pour arriver chez toi, la galère en vélo!" (alors que souvent dans les grosses montées je marche à côté comme une grosse mollasse)...  De manière tout à fait prévisible, les gens en face de moi n'en avaient rien à carrer, mais j'étais quand-même contente de signaler l'air de rien à quel point j'étais une personne dynamique et soucieuse de l'environnement.

Point positif non négligeable, mes jambes se sont affinées tout en se raffermissant. Bon, évidemment, le haut n'a pas suivi, je suis donc désormais gaulée comme Barbamama. Ou alors, visualise le buste de Maurane posé sur les jambes de Cameron Diaz.

Point négatif : tout le monde me déteste. Enfin, tout le monde déteste les cyclistes, c'est un constat sans appel.

Les automobilistes te considèrent comme un danger ambulant, tu les empêches d'avancer aussi vite qu'ils le voudraient dans les rues étroites, et ils te jalousent de tracer péperlito dans les couloirs de bus pendant qu'ils se curent les nasaux dans les embouteillages.

Les piétons te regardent comme si tu étais une souche du virus Ebola perchée sur deux roues.
C'est simple, où que tu te trouves, ils estiment que tu n'as rien à foutre là. Sur la chaussée, tu es dangereux parce que tu arrives silencieusement et les fais paniquer alors qu'ils ont décidé de traverser la rue n'importe où tout en rédigeant un sexto sur leur iPhone. Quand le bonhomme est vert, ils te voient arriver avec l'oeil plein de haine parce qu'ils sont persuadés à l'avance que tu vas foncer dans le tas et risquer un strike de piétaille.
Un jour, alors que j'étais arrêtée à un feu rouge (car ça m'arrive, aussi), une vieille personne badass m'a regardé en traversant, avec le meurtre dans les yeux et un air de défi, en me disant "Je PASSE, là"  ; bah heu ouais mémé, je vois bien que tu passes, d'ailleurs je sais pas si t'as vu mais je suis à l'arrêt, là, précisément dans le but de te laisser PASSER.
En fait, les piétons te haïssent préventivement, ils te font payer pour tous les cyclopèdes qui ont eu un jour l'outrecuidance de passer au rouge sous leurs yeux.
Si tu as l'idée farfelue de klaxonner un marcheur qui se trouve en plein milieu d'une piste cyclable, il va râler en étant convaincu d'être agressé sur son territoire. Les piétons possèdent un filtre qui les empêche de voir les petits vélos dessinés au sol. Ils font un déni de pistes cyclables. (Les automobilistes, eux, souffrent d'un autre mal : il les voient, mais les confondent avec des places de parking.)

Enfin, et c'est bien le pire, les cyclistes se détestent entre eux. Au début, je m'étais imaginé que c'était une engeance cool, une grande famille solidaire dont les membres se reconnaissent entre eux en se faisant des petits signes sympatoches, comme les chauffeurs de bus lorsqu'ils se croisent.
QUE NENNI, BRO!
C'est la guerre; à celui qui démarrera le plus vite au feu, ou qui se faufilera le plus souplement entre les rangées de caisses aux heures de pointe.
Par ailleurs, au sein même de notre famille, il y a des castes ; en haut de l'échelle, il y a le type en combi Lycra sur son vélo de pro qui fend la bise en trois coups de pédales et qui fait Paris-Lille quand toi t'as juste le temps de faire péniblement République-Ménilmontant.  Un peu plus bas, il y a la quadra qui a investi dans un bon vélo, un casque, des sacoches et parfois même un gilet fluo, la bougresse. C'est la fayotte du vélo. Souvent, elle roule comme si elle était en vacances sur une route de campagne et arbore l'air satisfait de celle qui a tous les droits au prétexte qu'elle est bien équipée. Et tout en bas, il y a les Vélibistes, donc : considérés comme des dilettantes de la pédale parce qu'ils se contentent de profiter des équipements municipaux , et qu'ils peinent sur les faux-plats parce que leur engin pèse autant qu'un cheval mort (Johnny, si tu me lis...).

Les Vélibistes sont les parias du cyclisme, même les pigeons nous chient expressément dessus et certaines légendes urbaines racontent que nous mangeons les enfants, que nous partouzons avec des épagneuls bretons et que Hitler en personne ne se déplaçait qu'en Vélib.

Et ben moi, ça m'affecte tellement d'être le réceptacle de tant de haine, que j'ai renouvelé mon abonnement. 


3 commentaires:

  1. Mais si georges, les cyclistes sont sympas !
    Tu nous a bien fait marrer sur vélotaf, viens te présenter et discuter avec nous ! ;)

    (velotaf.com, rubrique "forum")

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  2. Obligée de constater que c'est tellement mais tellement vrai...

    Pour être piétonne et ex cycliste urbaine... mais tellement...

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  3. C'est tellement vrai, sauf quand même pour ce quui est des cyclistes entre eux. Sur deux cyclistes, le deuxième profitera de l'aspiration du premier, en échange, il supportera l'agressivité du véhicule motorisé qui ne peut pas le doubler. C'est la fraternité des citoyens qui choisissent de se déplacer à vélo!

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